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Le Soleil; Mylène Moisan


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Les invalides remontent au front

4 septembre 2025 à 04h09|

Mis à jour le 4 septembre 2025 à 08h20

5 minutes




CHRONIQUE / Le gouvernement du Québec est en train de s’engager dans un insensé bras de fer juridique pour contester un jugement qui l’a reconnu coupable d’avoir bafoué pendant presque 20 ans les droits des ainés invalides.


Il pourrait se rendre jusqu’en Cour suprême.


Et dire que toute cette saga aurait pu être terminée il y a deux ans quand le tribunal administratif du Québec (TAQ) a tranché que les pénalités imposées aux invalides de plus de 65 ans contrevenaient à la Charte des droits et libertés du Canada. En gros, cette pénalité était une forme de discrimination basée sur le handicap.


Mais non, le gouvernement a décidé de faire appel.


Les audiences commencent dans trois semaines, pendant trois jours. Les invalides réclameront alors une correction rétroactive de l’injustice qu’ils ont subie de 1997 à 2024, le gouvernement s’y opposera, comme il s’était opposé pendant des années à abolir cette pénalité. Le jugement du TAQ rendu en juillet 2023 lui a forcé la main, il l’a enlevée en janvier.


Pour la CAQ, ça suffit. Le gouvernement veut faire l’impasse sur le passé, comme si le fait de mettre fin à l’injustice effaçait les dommages infligés avant.

Kevin McLean ne rêve pas en couleurs, celui qui a repris le flambeau de son père sait très bien qu’il n’est pas réaliste d’aller chercher une rétroaction pour les presque deux décennies où les invalides ont été pénalisés. Ce serait énormément d’argent, même si, dans les faits, il a été engrangé au fil des années sur leur dos. Même si le Régime de retraite du Québec, le RRQ, contient 141 milliards d’actifs nets.


Il y a une marge de manœuvre, disons.


Richard McLean est le premier à s’être levé pour obtenir justice, Kevin a continué pour ceux qui sont encore là. «Le retrait total de la pénalité en 2025 est un gain extraordinaire. Beaucoup de personnes m’écrivaient à la suite de l’annonce, “je vais recevoir 230 $ de plus par mois, je vais en recevoir 180 $». Ils étaient très reconnaissants. Des personnes m’ont dit “les banques alimentaires, c’est peut-être chose du passé pour moi maintenant”, ou “je vais pouvoir m’acheter des lunettes qui sont dues depuis très longtemps”. Ça a eu un impact significatif pour plusieurs personnes.»


On parle des plus vulnérables de notre société.


Au fil des années, des milliers d’invalides pénalisés ont été privés d’argent dont il aurait eu grand besoin, on parle d’entre 1700 $ et 2000 $ par an au cours des cinq dernières années. Retraite Québec calcule qu’ils sont environ 28 000 personnes à avoir écopé, ça fait beaucoup d’ainés qu’on a injustement appauvris.


Mais la CAQ ne veut rien entendre. «Ça fait longtemps qu’on sait que les audiences sont les 24, 25, 26 septembre. J’avais espoir que le gouvernement nous approche pour faire une entente hors cour. […] pour au moins mettre un baume sur la misère humaine. Là, il se dit : “j’ai enlevé la pénalité, j’ai fait mon bout de chemin, puis là, je m’assis là-dessus”.»


Tant pis si ça prend 10 ans, tant pis si ça va jusqu’en Cour suprême.


Tant pis si les invalides n’ont pas les moyens de se défendre. Ils ont réussi à ramasser 15 000 $ en faisant une campagne de sociofinancement, mais cette somme est dérisoire par rapport à ce que coûte un avocat, encore plus dérisoire par rapport à ce que dépensera l’État pour ne pas avoir à réparer une injustice qu’il a créée.


L’avocate Sophie Mongeon défend la cause pro bono, gratuitement. «Je ne vous cacherai pas que je suis un peu découragée qu’on arrive [aux audiences] et qu’il n’y a aucune porte de sortie. Il n’y a pas de tentative de négociation, il n’y a rien.


«[…] C’est beaucoup d’entités qui sont appelées à la table. C’est le tribunal administratif du Québec, c’est le procureur général, c’est la cour supérieure. C’est beaucoup de fonds qui sont brassés. Ça fait beaucoup, beaucoup, beaucoup de dépenses pour quelque chose qui, selon moi, pourrait être réglé.»

Elle aussi ne vise pas une rétroaction complète, mais un compromis.

Il y a au moins un précédent. «Quand il y a eu les conjoints de même sexe, ça s’était retrouvé à la cour d’appel et le gouvernement avait donné un an de rétroactivité par personne.»


Le ministre des Finances, Eric Girard, est responsable de ce dossier. Et il n’a pas l’air d’un gars en mode solution. «Le jugement rendu par le TAQ soulève des questions d’ordre juridique, notamment en ce qui a trait à la prise en compte des éléments de preuves pertinents. Nous ne commenterons pas davantage considérant que le processus judiciaire est en cours», m’a-t-il répondu par l’entremise de son attachée de presse.


Il fera tout ce qu’il peut pour que ce jugement soit comme ceux dont les droits ont été brimés, invalide.


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